Keir Dullea ne regrettera jamais 2001, l'odyssée de l'espace (2024)

Cinquantenaire du film oblige, l'actualité printemps-été2018 du chef-d'œuvre de Stanley Kubrick est plutôt chargée. Après sa projection dans une flamboyante copie argentique70mm au dernier Festival de Cannes, sous les bons auspices de Chris Nolan, 2001 l'odyssée de l'espace est ressorti dans quelques salles dans cette même version. Le13juin, le Warner le distribuait également dans une version digitale restaurée numériquement en 4K. Autant dire un festin visuel org*smique pour les admirateurs de la mythique épopée cosmique. À Cannes, sa projection fut l'occasion d'un entretien rare et précieux avec son visage le plus célèbre: Keir Dullea, alias l'astronaute Dave Bowman dans le film.

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Le jour de notre rencontre, assis à une table sur une terrasse perchée au 6e et dernier étage du Palais de festivals, l'acteur dédicace silencieusem*nt plusieurs affiches de 2001 l'odyssée de l'espace. C'est un bel homme élégant de82ans, regard bleu acier, sourire de Mona Lisa, voix suave et gestuelle posée. Pas de doute: même si cinquante ans se sont écoulés depuis le choc céleste de Kubrick, c'est bien le même interprète de David Bowman que l'on observe discrètement signer ses posters, avant d'aller le saluer timidement. Quelques mètres plus loin, Katharina, la belle-fille adoptive de Stanley Kubrick, flanquée du beau-frère/producteur de celui-ci, Jan Harlan, répondent en binôme aux questions de confrères de la télé britannique.

Keir Dullea ne regrettera jamais 2001, l'odyssée de l'espace (1) © Le Point pop">

Comme eux, Keir Dullea a été convié par le studio Warner à honorer de sa présence la projection événementielle cannoise de 2001, en version70mm supervisée par Christopher Nolan. Dans le chef-d'œuvre increvable de Kubrick, son personnage, Bowman doit d'abord désactiver HAL9000, l'ordinateur de bord du vaisseau Discovery One qui vient d'éliminer tout l'équipage sous l'effet d'un inexplicable coup de folie, en route vers Jupiter. Après avoir vaincu HAL, l'astronaute rencontre en toute simplicité une intelligence extra-terrestre qui lui fait entrevoir l'infiniment grand et l'infiniment petit à travers la porte des étoiles, avant de le réincarner en fœtus cosmique. En deux heures trente de film, le destin du comédien sera scellé. Keir Dullea a eu beau jouer dans une quarantaine de longs-métrages (dont Bunny Lake a disparu d'Otto Preminger en 1965), il sera Dave Bowman pour l'éternité. Et il ne s'en plaint pas, même si, à titre personnel, il ne considère pas 2001 comme son chouchou: «Il y a pire que d'être associé à l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma. Mais mon personnage n'était pas un challenge comme le furent ceux que j'ai joués dans David et Lisa (qui lui valut un Golden Globe en 1963) ou Bunny Lake a disparu, même si j'ai détesté travailler avec Preminger.»

Dans 2001, Keir Dullea incarne David Bowman avec un tel excès de sobriété que certains critiques de l'époque avaient tancé son jeu, jugé aussi mécanique et inexpressif que celui… d'une machine. Une direction d'acteur évidemment intentionnelle chez Kubrick: «Stanley nous avait prévenus, Gary Lockwood et moi (Lockwood joue dans le film le Dr Frank Poole, binôme de Bowman, NDLR), que nos personnages avaient des profils psychologiques tels qu'il nous serait impossible de s'exciter à leur sujet: Bowman et Poole sont des scientifiques, plusieurs fois docteurs dans diverses disciplines, ils sont de nature extrêmement calme et retenue. Stanley nous demandait toujours de les jouer en sous-régime parce que, selon lui, c'étaient deux hommes qui venaient de passer des mois dans l'espace et accomplissaient chaque jour les mêmes gestes, la même routine. Le challenge pour Lockwood et moi était de trouver la juste nuance.»

La lumière sur le plateau était surtout le plus grand souci de Stanley.

Keir Dullea ne regrettera jamais 2001, l'odyssée de l'espace (2)

Grand fan de Spartacus, Lolita et Les Sentiers de la gloire, Keir Dullea se souvient avoir été «fou de joie» le jour où son agent lui apprit que Kubrick («un génie» à ses yeux) l'avait choisi pour le rôle de Bowman. Dès son premier tour de manivelle, sur les immenses plateaux de la MGM à Borehamwood, près de Londres, Dullea put expérimenter le perfectionnisme notoire du réalisateur: «Mon premier jour de tournage fut une scène avec Gary dans le décor de la centrifugeuse de Discovery. Juste avant de crier moteur, Stanley a remarqué un détail qui lui déplaisait sur nos chaussures. On a reporté la scène au lendemain, le temps qu'un modèle qui lui convient soit trouvé!» Keir Dullea confirme que le cinéaste pouvait bel et bien enchaîner par dizaines le nombre de prises pour un plan, mais pas nécessairement concernant le jeu: «C'est surtout la lumière sur le plateau qui était son plus grand souci. Pour certaines scènes, Stanley prenait lui-même jusqu'à50photos polaroïd du décor avec un changement d'éclairage à chaque photo. Sachant qu'il pouvait s'écouler trente minutes entre chaque changement, je vous laisse faire le calcul…»

Malgré une première poignée de critiques assassines ou déconcertées à la sortie du film, 2001 a rapidement pris de l'altitude, avant de rencontrer au final un vibrant succès public et critique, prélude à sa légende. Keir Dullea, tout en travaillant régulièrement depuis, n'a jamais réussi à faire oublier le visage fusionné aux étoiles de son alter ego Dave Bowman. Et, après tout, il en est en partie lui-même responsable: en 1983, Dullea joua sciemment des coudes pour convaincre le réalisateur Peter Hyams de l'embaucher de nouveau dans la peau de Bowman, pour le tournage imminent de 2010, l'année du premier contact, suite de 2001: «J'aime bien 2010, c'est un bon film que j'ai aimé faire, et c'est à mon initiative que Peter Hyams m'a engagé. Je tournais à Los Angeles comme guest star un épisode d'une série lorsque j'ai lu dans le Hollywood Reporter qu'ils allaient faire une suite à 2001, alors que personne ne m'en avait parlé! Sur un coup de tête, sans même passer par mon agent, j'ai appelé le studio MGM, j'ai dit qui j'étais et j'ai demandé à ce qu'on me passe Peter Hyams. Il a pris l'appel et je lui ai dit: Mr Hyams , avant que vous ne vous décidiez d'engager quelqu'un d'autre pour jouer mon rôle dans 2010, nous devrions nous rencontrer! Il m'a invité à déjeuner et, le lendemain de ce rendez-vous, il m'a proposé le job.»

Toujours vaillant (on l'aperçoit notamment cette année sur HBO dans le téléfilmFahrenheit451, nouvelle adaptation du roman de Bradbury), Keir Dulleacontinue de travailler régulièrement au théâtre, et c'est d'ailleurs sur les planches qu'il estime avoir livré sa performance préférée (et la plus difficile), loin devant 2001: en 2013, au théâtre Tennessee Williams de Provincetown (Massachusetts), il a incarné Big Daddy dans une reprise de la pièce La Chatte sur un toit brûlant, au côté de son épouse Mia Dillon. Détail amusant: en 1974, à Broadway, Dullea avait déjà joué sur scène dans le classique de Williams, mais cette fois en interprétant le jeune Brick, le fils de Big Daddy (rôle tenu par Paul Newman dans le film de1958adapté de la pièce). Drôle de destin que celui d'un acteur davantage porté sur les planches et les drames familiaux mais que la postérité associera pour toujours à la science-fiction métaphysique!

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